Orpierre 2018
Cette année c’est compliqué de rejoindre Orpierre, la grève de la SNCF vient perturber nos plans d’organisation. Voiture, bicyclette, ballon dirigeable, train à vapeur, drone porteur, train hyperloop, fusée Ariane, on explore tout ce qui est possible dans des débats parfois houleux, où chacun veut promouvoir son transport préféré. Heureusement, V12 dans sa stratégie d’expansion a déjà des postes avancés hors de Paris, Béatrice peut nous accueillir pour la nuit à Grenoble. Avec Daniel, nous partons le lundi soir, avec l’envie de grimper un peu avant l’arrivée du groupe et des grimpeurs à initier à la falaise. On dort chez Béatrice après un Paris-Valence suivi d’un BlaBlaCar Valence-Grenoble pour cause de train annulé, une petite ramade le long du trajet. Tiens c’est quoi une ramade, je cherche sur internet, y’a plein d’expressions tordues pour décrire le temps qu’il fait, une ramade c’est plus fort qu’une broullasaie mais moins fort qu’une branlaie ou une esterbille. A Orpierre, on aura du ciel bleu mais aussi des espars (éclairs), des jambes de curé (les rayons de soleil à travers les nuages sombres de l’orage), de la furbaie (grêle). Et enfin un conseil pour Anne, si un jour tu vas dans la plaine de Montbel, c’est un peu comme à Orpierre, le dimanche pas besoin de prendre ton Opinel, « Pour traverser la plaine de Montbel, il vaut mieux une cape, qu’un couteau» .
Mais, je vais trop vite. On n’est pas encore parti de Grenoble, qu’on est rejoint le soir-même par Franck et de là, départ pour Orpierre, où nous commençons par deux nuitées chez Laurent dans sa maison de famille, rejoints par Béatrice déjà sur place avec les Lémuriens ou les Neuf à pic, je m’y perds avec tous ces noms de clubs. Nastasja a emmené sa chatte Choupinette en lui faisant miroiter la présence d’un certain Beauchaton et elle commence son initiation falaise avec Laurent et peut-être Choupinette au fond du sac, on ne saura pas. On se lève tôt le matin car la pluie vient troubler les après-midis, et on grimpe. On fait une visite aux groupes FSGT qui campent au Catoyes (les Lémus à 9 Piques ? ) et expérimentent un concept d’une sorte de nuit debout de l’escalade (désolé si je trahis leur pensée).
Mais bon, pas le temps de glander, le groupe arrive, il faut ouvrir le gîte, aller faire les courses et remplir le frigidaire de Beffes (mélange de Leffe et de beurre). Daniel, qui a lu ses classiques, se rappelle du bruit doux de la pluie par terre et sur les toits et il se plante, il croit que c’est pareil pour le beurre. La note est salée, mais pas le beurre et comme d’habitude, le beurre, y’en a trop. Les paris sont ouverts, arrivera-t-on à manger tout ce beurre en si peu de temps ? D’autre part, les courses sur internet c’est bien, mais il faut jouer avec les stocks aléatoires et courir pour remplacer les vivres manquants.
Jeudi, le groupe est au complet, certains sont arrivés tard dans la nuit, d’autres ont dormi chez Béatrice. Les frigidaires regorgent de victuailles. On part grimper, les cinq <<débutants>> sont pris en charge, les autonomes s’autonomisent, les récits des aventures et mésaventures (peut-être entendrez-vous un jour parler de la traversée infernale) s’égrènent aux apéros et dîners du soir. Anne et Aguilan reprennent en main les menus mal bâtis, l’élaboration de gâteaux vient diminuer le stock de beurre, on coupe des légumes en petits cubes (je crois, j’y connais pas grand-chose en cuisine et en légumes), on fait griller des saucisses sur le barbecue, au milieu de notre petite place. On s’approprie les lieux, on fait des apéros sur la place avec un autre groupe FSGT. On se raconte des histoires de grimpeur : c’est quoi ta pointure de chaussons ? Tu fais comment toi quand les relais y sont pas chaînés ? Elle était bien la 5c+ du Château ? On fait comment quand on n’a plus de dégaines, que le relais est loin et qu’on a pas l’appli Deliveroo ou Uber-dégaines sur son portable ? Tu rêves de grimpe, toi ? Oui, je fais de la dalle la nuit en me récitant des mantras. Le matin, le Président (l’homme qui chuchote aux oreilles des grimpeurs) réveille ses ouailles individuellement en leur chuchotant : « il est six heures, il faut se lever » (vous pouvez acheter le CD, on possède l’enregistrement live). Il tente maladroitement de nous expliquer qu’avec un peu de sel sur les tartines beurrées ça doit pouvoir le faire. Les voies s’égrènent aux fils des jours, les 5 «débutants» le sont de moins en moins et on finira, pour une partie d’entre eux, sur 7 longueurs au Quiquillon, dans le Dièdre Sud.
Le temps passe et le séjour s’achève par un long retour sous une pluie battante et une ramade de neige qui réveille les chasse-neiges du col de la Croix Haute. On a dû changer les billets de retour pour le groupe, c’était compliqué, une lutte inégale entre le fonctionnaire de la gare de Laragne et le logiciel de réservation de la SNCF. Mais bon, ça a fini par marcher on a pris le train ric-rac et les gens du wagon-bar se souviendront longtemps d’un groupe qui pique-niquait bruyamment à bord du TGV en se racontant leurs exploits, mangeant des tartines de beurre et buvant des Leffe.
Je ne peux résister à terminer ce récit par un peu d’histoire culinaire trouvée sur internet: « Apparu en 3 500 avant J.-C., le beurre ne s’est généralisé qu’au XVIIe siècle dans les cuisines de France où, jusqu’alors, on lui préférait le lard ou le saindoux. Et si, ces dernières années, son usage est devenu moins fréquent dans nos cuissons – chasse au cholestérol oblige -, il reste néanmoins l’ingrédient de base de la pâtisserie, l’indispensable de nos sandwiches (surtout au jambon !), tartines de petit déjeuner (avec ou sans confiture) et autres toasts, ainsi que l’accessoire gourmand offert sur chaque table de grand chef ».
Orpierre: un grand bol d’étiques
A l’aller nous avions déjà rêvé au Tibet devant ces montagnes pelotonnées dans leurs moutons blancs.
Au retour, ils se sont dit que la neige en tongs et en slip, c’était comme la dalle d’Orpierre, ça pique.
Pourtant tout monde était heureux et ce n’était pourtant pas gagné. Avec une météo polaire, une orga multipolaire, une Sncf contestataire, un apéro réfractaire, des débutants qui quittaient la terre pour la première fois …
On aurait pu douter. Pourtant les rappels ont volé à pic, plutôt neuf fois qu’une. Les débutants ont bouffé du caillou comme jamais. Les autochnomes refusaient de rentrer le soir, même après la tombée de la nuit. Ils grimpèrent avec style, mais sans dégaine. A défaut de débutants brut de brut, ils nous donnèrent la becquée tous les soirs dans notre nid douillet, improvisant repas succulents avec les moyens du bord. Des personnes admirables face au rocher et aux aléas de la logistique. Spécial dédicace au repas végie qui surpassa tous les autres. Bref, c’était pas mal …
Voici mon Sel
Quand la danseuse s’allonge de travers, le maître de la danse assure des sensations vertigineuses. Le massacre à la débroussailleuse aura fait fuir au moins un téléphone qui s’est vu pousser des ailes pour faire le grand saut (de 34m), à moins que ce ne soit la perspective du fil d’araignée qui le motiva à abréger ses souffrances. Le gros doigt ouvre la voie si ce n’est lactée du moins à l’étoile par le très fameux mais non moins pittoresque GR 946.
Départs matinaux embouteillés (doublement pour ceux qui tentent, trop confiants, les dévers) ou ascension idyllique dans le silence de la nature désertée au coucher du soleil, coup de soleil ou neige, grêle ou déluge, Spiruline, lavande, chèvre ou Orangecello, t-shirt personnalisés, huile de massage, petites fleurs aux bords des sentiers, thym dans les prises, Orpierre nous aura dévoilé bon nombre de ses richesses. Petits-déjeuners, déjeuners, apéros ou barbecue, la place Boureynaud nous aura fait vivre la simplicité de la belle vie. Que dalle comme prises car que de la dalle, équilibriste, baleine échouée ou into the cliff, il y en avait pour tous les goûts, même pour Tigrou qui nous a accompagné jusqu’en bas des voies quasiment. Quand les rires se déguisent en pleurs et appellent des fous rires interminables qui font surgir des pleurs de rires, le séjour aura révélé le meilleur, après une vidange au pas.